Le 07 Février 2025
Par Isabelle Ducas
Une artiste sans états d’âme ou sans âme tout court...
Elle s’appelle Ai-Da, et c’est une artiste pour le moins énigmatique. Elle peint, sculpte, dessine et rien ne semble pouvoir lui résister. Ai-Da, encore inconnue il y a peu, vient de réaliser une toile vendue à plus d’1 million d’euros chez Sotheby’s. Une sacrée somme, à en avoir le tournis? Pour le commun des mortels, assurément. Mais pas pour tout le monde. Ai-Da, l’argent, à croire qu’elle s’en fout, n’a pas cillé d’un poil. Son oeuvre nommée Al God et représentant Alan Turing - célèbre visionnaire entré dans l’histoire pour avoir brisé les codes nazis et aujourd’hui considéré comme le pionnier de l’ intelligence artificielle - a pulvérisé tous les records et permet à Ai-Da une entrée en fanfare sur le marché de l’art. Pensez-vous que notre artiste en herbe se réjouisse de cette situation? Que nenni. Comme dit précédemment, Ai-Da cille pas d’un poil. Nada ! Une vraie porte de prison. Elle ne montre rien, ni joies ni peines, pas même une placide satisfaction. Dans ses grands yeux couleur ardoise rien ne transparait. Et rien ne se passe. Et pour cause. Ai-Da, en dépit des apparences, n’est pas humaine. C’est une robote…heu si, si, on peut le dire… Une robote à pinceaux et poils bioniques, coiffée d’une perruque brune et équipée de caméras en guise de rétines. En gros, Ai-Da a l’allure d’une jeune femme d’aujourd’hui mais n’en est pas une. La voici posant devant son autoportrait en 2021:
Ai-Da with self-portrait, 20 mai 2021, Travail personnel, Leemurz
Cette créature interroge. À ceux qui pensent que la Frankenstein des temps modernes augure des jours bien sombres et va tuer l’art et les artistes plus sûrement que la peste noire, elle réplique:
"La valeur fondamentale de mon travail est sa capacité à servir de catalyseur au dialogue sur les technologies émergentes ». Un peu plus tard, en parlant de son « oeuvre » vendue chez Sotheby’s, elle ajoute : « le portrait du pionnier Alan Turing invite les spectateurs à réfléchir à la nature divine de l'IA et de l'informatique tout en considérant les implications éthiques et sociétales de ces progrès".
Soulignons ici que notre humanoïde - ou gynoïde - s’exprime comme vous et moi. Ou à peu près. Il y a fort à parier qu’avec la très jeune Ai-Da - fruit des cerveaux d’Oxford et de Birmingham, déjà rodée aux galeries prestigieuses, elle est née seulement en 2019 ! - nous ne soyons pas au bout de nos surprises, bonnes ou mauvaises, et de nos interrogations…
L’art est-il mort ?
Et si non, lorsque la machine dotée de l’IA remplace l’artiste, qu’en est-il de ce dernier? A-t-il encore un avenir, et lequel? Et au delà du sien, l’avenir de l’humanité est-il menacé ?
En attendant, Ai-Da — prénom inspiré de la célèbre mathématicienne britannique Ada Lovelace —continue de peindre sculpter ou dessiner et tout ça sans jamais s'essouffler ! Une véritable déesse que cette créature ! Delà à dire que c'est pour l'art et la postérité...