LES CHOSES. UNE HISTOIRE DE LA NATURE MORTE
Exposition
Paris, musée du Louvre,
jusqu'au 23 janvier 2023.
www.louvre.fr
« Les Choses », l’ exposition du Louvre, surprenante et époustouflante.
Un livre, une table, un gant, une fleur, un crâne ou une carcasse… Autant de choses inertes, de choses mortes auxquelles on s’attache parfois plus que de raison ou pas…
C’est que les choses, toutes ces choses qui nous entourent, avec lesquelles nous vivons, sont inhérentes à ce que nous sommes… puisque, après tout et en dépit de tout, nous sommes voués à devenir des choses…
Et puisque nous sommes voués à devenir des choses, cela signifie-t-il que, vivants que nous sommes, notre vie n’a, d’ores et déjà, pas de signification? Fernando Pessoa, illustre écrivain portugais cité dans l’exposition, a écrit : « Les choses n’ont pas de signification. Elles ont une existence. »
L’exposition du Louvre, intitulée « Les Choses », met la nature morte à l’honneur. Elle est conçue comme une promenade en quinze séquences et nous accueille, tel un prélude, sous la Pyramide du Louvre avec de grands ballots multicolores en tissus africains, une longue cordée de bagages improvisés avec des matériaux de fortune. Des objets d’une simplicité désarmante qui symbolisent l’exil, la fuite et la mort…
Le pilier des migrants disparus, Barthélémy Toguo
L’oeuvre de l’artiste camerounais Barthélémy Toguo est monumentale. Créée à partir d’objets dérisoires et inertes, forcément, on peut aisément la cataloguer dans le genre nature morte.
La nature morte est un genre pictural qui a longtemps pâti d’un certain mépris dans l’Histoire de l’art alors que tant de grands maitres s’y sont essayés et avec succès. Pour n’en citer que quelques uns : Chardin, grand maître du genre par excellence, mais aussi Goya, Manet, van Gogh, Cézanne, Braques ou encore Picasso. La liste n’est pas exhaustive.
L’exposition du Louvre est « énorme » et nous invite à découvrir ou redécouvrir pas moins de 170 oeuvres - peintures et sculptures mais aussi des oeuvres s’exprimant au travers d’autres médias tels que la vidéo, la photographie ou le cinéma - issues d’institutions et de collections privées parmi les plus fameuses. La commissaire de l’exposition, Laurence Bertrand Dorléac, en collaboration avec Thibault Boulvain et Dimitri Salmon, a réalisé un travail colossal, explorant la manière dont les artistes - toutes époques confondues, en passant de l’art égyptien à l’art contemporain - se sont intéressés à la nature morte.
Laurence Bertrand Dorléac dit : « Dans notre monde bavard, les artistes nous invitent à prêter attention à tout ce qui est silencieux et minuscule ». Comme dit précédemment, la nature morte est un genre pictural très ancien et la commissaire d’exposition et ses collaborateurs ont apporté un soin tout particulier à faire en sorte que les oeuvres présentées se fassent écho, ou si l’on peut s’exprimer ainsi, qu’elles se répondent entre elles, un dialogue où passé et présent sont les deux principaux protagonistes. Ainsi la commissaire d’exposition a judicieusement placé « La grive morte » , une oeuvre de Jean-Antoine Houdon (1741-1828) sculptée dans le marbre d’un bas relief et représentant un petit volatile comme fossilisé auprès d’une toile de Jean Baptiste Oudry (1685-1755) polychrome intitulé « Nature morte aux trois oiseaux morts ».
La promenade continue à l’instar du dialogue éternel et universel que l’on poursuit avec des chefs-d’oeuvres de grands maîtres du passé et du présent mis en parallèle. Ainsi on peut voir une imposante nature morte de Matisse peinte en 1915 accolée à celle d’une oeuvre de Jean Davidsz de Heem (1606-1684). La toile de Jean Davidsz de Heem, toute en clair-obscur a servi de modèle à celle de Matisse, cubiste, qui a travaillé ses ombres en utilisant de gros traits noirs et du vert émeraude par contraste.
La promenade ne s’arrête pas là et bien d’autres chefs-d’oeuvre nous attendent. Dali, Van Gogh, Géricault, Duchamp…
Tous nous parlent de croyance et de matérialisme et nous invitent, avec bonheur et intelligence, à méditer sur l’existence et sa fugacité.
Isabelle Ducas, le 03 janvier 2023